Crise : La nouvelle vie des jeunes diplômés

Publié le par Francis Landry O.

 

place-de-precarite  Une précarité en hausse inquiétante


L’entrée dans la vie active de la jeune génération devient de plus en plus laborieuse. Le taux de chômage des 15-24 ans est passé de 17,7% début 2008 à 24,4% au 3e trimestre 2010, et 50% des emplois précaires sont occupés par des jeunes de moins de 29 ans (source : CESE). Ces difficultés d’accès à l’emploi sont bien connues du gouvernement, comme l’indique cette déclaration du président Nicolas Sarkozy lors d’un déplacement à Bobigny en Seine Saint-Denis : «Depuis 30 ans, chaque gouvernement a affirmé faire de l’emploi des jeunes sa priorité mais le taux de chômage des moins de 25 ans est constamment resté le double de celui du reste de la population ». De plus, L’observatoire des inégalités relève que : « Les moins de 30 ans sont les plus touchés par la pauvreté avec un taux de l’ordre de 10% contre 7% en moyenne. A eux seuls, ils représentent la moitié des personnes pauvres » (1). Cette précarité touche de plus en plus de jeunes sortis de l’enseignement supérieur à des niveaux plus ou moins conséquents selon l’âge, le diplôme, le cursus, ou la filière de formation. Néanmoins, l’INSEE relève qu’un jeune diplômé a trois fois plus de chance qu’un non-diplômé de trouver du travail, avec un taux de chômage à 8,7% pour les bac + 2 contre 35% pour les non-diplômés entre 15 et 29 ans (2). Cependant, le niveau d’études ne garantit pas la stabilité de l’emploi et les meilleures conditions de travail. Ce problème d’insertion des jeunes dans la vie active est récurrent depuis plusieurs années, la crise de 2008 n’a fait que rendre les choses plus délicates. Une réalité de plus en plus difficile à accepter par les diplômés, après un parcours parfois difficile pour l’obtention de leur diplôme. Par conséquent, le statut de privilégiés qu’on a longtemps attribué aux diplômés par rapport aux sans diplômes reste discutable, surtout depuis la création de nombreuses formations qualifiantes et de dispositifs d’insertion professionnelle pour les sans-diplômes.

 

 

 

 

  L’insertion selon la filière


L’enquête de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) en 2010 sur la promotion des diplômés de 2009 (3), révèle comme les précédentes, que ce sont les sortants des formations initiales universitaires qui rencontrent le plus de difficultés à la sortie des études à trouver un emploi par rapport à ceux issus des écoles de commerces et d’ingénieurs, ou de diplômes qualifiants (ou professionnels). Un taux d’emploi à 59% pour les premiers contre une moyenne de 73 à 95% pour les sortants d’IUFM, du médical, pharmacie, paramédical, social et Informatique, télécommunications ou technologies. La tendance est toujours la même dans leur enquête 2011 sur la promotion 2010, le taux d’emploi des titulaires d’un diplôme universitaire est de 65% contre 78% pour ceux titulaires d’un diplôme d’ingénieur. Même constat pour le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq), dans le cadre des enquêtes « Générations » (4), qui montrent que les jeunes disposant d’un diplôme qualifiant sont en très grande majorité en emploi trois ans après leur début de carrière dont 75% en CDI. Ainsi, pour ceux qui n’ont pas la chance d’obtenir l’emploi auquel ils aspirent (à court ou moyen terme), la recherche devient  plus longue et intense, particulièrement, pour les diplômés des disciplines : Arts, édition, communication, journalisme avec 8,9 mois contre 5,8 en moyenne (source Apec 2010). Les moins optimistes et les moins confiants sur leur avenir professionnel sont les jeunes diplômés des formations : philosophie, sociologie, droit, qui offrent peu de débouchés en général. « De ce fait, bien des postes occupés aujourd’hui par des Bac +2 l’étaient hier par des titulaires d’un BEP » (5).

 

 

 

 

   Le niveau d’études a-t-il une valeur ?


La plupart des études (Apec, Cereq, Insee) notent qu’il est préférable de poursuivre des études pour trouver un emploi. Même en temps de crise les plus diplômés (Bac + 6 et plus) sont ceux qui s’insèrent le plus rapidement dans le monde du travail, et bénéficient de meilleures prétentions salariales. Toutefois, la valeur du niveau d’études est variable selon les différentes filières. Par exemple, le taux de jeunes diplômés satisfaits de l’adéquation de leur emploi avec leur diplôme est plus fort chez les Bac+3 que les Bac+ 4, soit 72% contre 64%. De plus, que le taux de titulaires de Bac + 3 en poste est plus fort que les bac +4 soit 74% contre 58% (6). Cela est dû à la réforme LMD, qui fait que le Master 1 n’est plus un diplôme universitaire, mais un intermédiaire entre la licence et le master 2 [70% en emploi] (source Apec 2011), contrairement à ce qu’à été la maîtrise. Cependant, « la correspondance parfaite entre formation et emploi est une illusion » (7).  Aujourd’hui, la proportion de jeunes entrant dans le monde du travail est largement plus diplômée que l’ensemble de la population active. Selon Jean-Hervé Lorenzi, «le niveau de qualification des 25-34 ans est très élevé [en France] puisque 41% ont fait des études supérieures contre 23% en Allemagne » (1).  Cette surqualification va de pair avec l’évolution des professions les plus qualifiées, mais son effet pervers est la multiplication des exigences à l’embauche même pour des métiers non qualifiés. 

 

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  Quand les jeunes subissent un « bizutage social » 


« Dans une société confrontée à des mutations technologiques majeures, ils [les jeunes] réclament une reconnaissance sociale qui leur est pour le moment refusée (…) Ils vivent, un profond désenchantement entre les espoirs qu’ils avaient mis sur un diplôme souvent durement acquis et la situation professionnelle fort médiocre à laquelle ils accèdent aujourd’hui » (8). En effet, la précarité des jeunes diplômés face à l’emploi est devenue une norme en France, au point même que certains arrivent au déclassement social.  « La proportion de jeunes diplômés du supérieur en emploi temporaire, entre un et quatre ans après la sortie de leur formation initiale, a doublé entre 1985 et les années 2000, de 12 % à près de 25 %, et cela n’a pas diminué depuis », indique Le Conseil d’orientation pour l’Emploi (9). A présent, pour obtenir un premier poste dans sa branche, il faut d’abord passer par une multitude de stages, de contrats courts ou d’intérim, sans être sûr d’exercer un jour la profession à laquelle on s’était destiné pendant ses études. L’adoption de la loi de mars 2006 sur l’égalité des chances, qui impose la signature d’une convention entre l’étudiant, son établissement et l’entreprise, n’a pourtant pas freiné les abus des entreprises. « On voit parfois des offres de stages disant : un précédent stage dans le domaine serait un plus » (10). Le collectif  « Génération précaire » dénonce cette pratique à employer des stagiaires pour effectuer les tâches d’un employé qualifié. « En volume, les stagiaires étaient 800 000 en 2006, 1,2 million en 2008 et ils sont presque 2 millions aujourd’hui » déclare Ophélie Latil, porte-parole du collectif.  Ainsi, plusieurs diplômés se réinscrivent à l’université, dans le but d’avoir des conventions et multiplier les expériences pour trouver un poste. Pourtant, même après être embauchés ces jeunes n’arrivent toujours pas au bout de ce « bizutage sociale », car le CDD est monnaie courante aujourd’hui, constate François Chérèque, secrétaire général de la CFDT.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sources :

 


(1)   Rapport annuel sur l’état de la France en 2011, André-Jean Guérini et Yves Zehr, Conseil économique, social et environnemental (CESE), décembre 2011 (les éditions des journaux officiels).


(2)    http://www.inegalites.fr/spip.php?article1245&id_mot=106

 

(3)  Les jeunes diplômés de 2009 : situation professionnelle en 2010, Apec (les études de l’emploi cadre - septembre 2010)


(4)  L’insertion des jeunes, Quelles, formations pour quels métiers, les débouchés filière par filière, les analyses des meilleurs spécialistes, Onisep pratique, Hors-série n°37, janvier 2009 (En partenariat avec le Cereq, Agefa pme, Alternatives économiques


(5) Philippe Frémeaux, directeur de la rédaction d’Alternatives économiques (Onisep pratique, Alternatives économiques Hors-série n°37, janvier 2009)


(6)  Diplômés en 2010 : situation professionnelle en 2011, Apec (les études de l’emploi cadre - septembre 2011)

 

(7)  Alberto lopez, chef du département Entrée dans la vie active du Cereq ((Onisep pratique, Alternatives économiques Hors-série n°37, janvier 2009)


(8)    Les jeunes diplômés, un groupe social en quête d’identité, Jean Lojkine (Presses Universitaires de France – PUF, 1992)

 

(9)   "Jeunes diplômés, quand la précarité devient la norme", Le Monde Campus (29 mars 2011)

 

(10)  Fabrice Hallais de la CGT-Cadres à BNP (Le Monde Campus, 29 mars 2011)


Publié dans SYNTHESE ECONOMIQUE

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